- Les problèmes vécus par les femmes migrantes[1]se sont complexifiés au fil du temps : précarité, isolement, situation monoparentale, désinsertion professionnelle, discriminations multiples, etc. Le travail d’accompagnement, et ce peu importe le secteur d’intervention, nécessite donc pour les travailleurs et travailleuses de pouvoir prendre en considération la situation particulière des femmes minorisées ainsi que des rapports de pouvoir qui construisent les systèmes d’oppression tels que le sexisme, l’hétérosexisme, le racisme, le colonialisme, le capacitisme, l’âgisme, etc., et marquent leur expérience quotidienne (Corbeil, Harper et Marchand, 2018).
Cette lecture intersectionnelle des diversités a permis de revisiter au cours des dernières années différentes pratiques d’intervention. Plusieurs auteur·trices se sont penchées sur les enjeux de l’intervention auprès de personnes à la croisée des oppressions, notamment dans une perspective féministe intersectionnelle (Corbeil, Marchand et Boulebsol, 2020), interculturelle critique (Sorrells, 2013), interculturelle féministe (Heine, Bourassa-Dansereau et Jimenez, 2023).
La recherche réalisée par le Réseau Interculturel Féministe et Intersectionnel (RIFI), composé d’associations féministes, interculturelles et intersectionnelles et de partenaires académiques[2], et soutenue par equal.brussels, s’inscrit dans cette perspective intersectionnelle. Elle a pour objectif général d’identifier les besoins des professionnel·les pour accompagner les femmes à l’intersection des oppressions, et particulièrement du racisme, du sexisme et du classisme.
En s’inscrivant à la croisée des mondes associatif, académique et politique, l’étude menée par le RIFI participe à la production de savoirs féministes. En effet, l’expertise de genre émergeant au centre de ce triangle de velours (Woodward, 2004), organisations féministes, fémocrates[3], chercheuses, est nécessaire à la mise en œuvre de pratique de la lutte contre les inégalités vécues par les femmes migrantes multivulnérabilisées (vivant des inégalités multiples et croisées liées à l’origine, la situation sociale, la trajectoire migratoire, l’appartenance culturelle et religieuse, etc.).
Les constats de l’enquête permettront de développer, dans la suite du projet, des ressources pratiques et théoriques (bibliothèques d’outils pédagogiques, catalogue de formations, etc.) pour sensibiliser les professionnel·les à l’imbrication des discriminations et de leur permettre d’acquérir des pratiques inclusives.
[1] Le terme de femmes « migrantes » renvoie à la réalité plurielle des femmes avec un parcours de migration. Celles-ci peuvent être immigrées ou en cours de migration, l’accent est mis sur le processus de racialisation qu’elles peuvent subir ainsi qu’aux vulnérabilités psychosociales conséquentes de ces mécaniques d’exclusion. Le terme racisé fait référence au processus systémique de racialisation des individus. Ce processus exclut et désavantage certaines personnes et populations selon leur race (en tant qu’entité politique et non biologique) (Zaman, 2010).
[2] Membres du RIFI associatifs : AWSA Be, La Maison des Femmes, Vie Féminine, OXO, Le Grain ; académiques : Service de Psychologie sociale et interculturelle de l’ULB, Service de psychologie des organisations de l’UMons, Observatoire francophone pour le développement inclusif par le genre (OFDIG) de l’Université du Québec à Montréal, Université Catholique de Lille, Département de psychoéducation, Université du Québec à Trois-Rivière
Productions du Réseau – Livres collectifs : Violences genrées : Enjeux interculturels et féministes, 2022, Académia et Pratiques interculturelles féministes, 2023, Académia. Revue AKENE, Pratiques interculturelles féministes, 2023, Le Grain. Rencontres des membres du réseau le 27 avril 2023 et le 14 avril 2024.
[3] Féministes qui militent pour les droits des femmes à l’intérieur des administrations et autres organisations publiques et politiques.